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Société & Culture

Honorine Félicité Nzet Biteghe : ''Dire que la femme n'a rien demandé est une grossière hypocrisie ''

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Femme de loi mais aussi de foi, militante acharnée de la cause féminine, la sénatrice du Woleu-Ntem fait ici un décryptage sans langue de bois du projet de modification de certaines dispositions du Code civil gabonais en lien avec les droits de la femme qui provoque tant de remous dans l'opinion.

L'Union : Madame la sénatrice, qu'est-ce qui va concrètement changer dans le Code civil gabonais une fois que tous ces projets de loi de lutte contre les violences faites aux femmes auront acquis un caractère exécutoire ?

Honorine Nzet Biteghe : Ce qui va changer c'est la reconnaissance de la personnalité de la femme et l'enrayement des discriminations flagrantes. Chacun a une valeur. Elle doit se refléter et mise en exergue. La femme doit savoir qu'elle n'est pas un martyr dans le foyer ou dans la nation. C'est une citoyenne à part entière.

À ce qu'il paraît, les femmes n'ont rien demandé, la société non plus. D'ailleurs personne ne se souvient de grandes marches féminines dans ce sens. Quelle est donc l'opportunité de toutes ces réformes ?

Dire que la femme n'a rien demandé, c'est une grossière hypocrisie. La dernière enquête montre qu'une femme sur deux a subi au moins une violence. Si les femmes n'ont rien demandé, que font-elles dans les associations de défense des droits humains ? Pourquoi les tribunaux sont remplis de demandes de pension alimentaire pour obliger les hommes à s'occuper de leurs propres enfants ? Pourquoi il y a tant de divorces ? Arrêtons cette hypocrisie contre nous-mêmes ! S'agissant des marches contre les violences, mon Dieu, il y en a eu dans ce pays contre les violences ! Et la dernière nous a conduits à aller déposer un mémorandum à l'Assemblée nationale entre les mains de Monsieur Faustin Boukoubi et la première dame du Gabon était à la tête de cette marche ! En reculant, pourquoi les femmes et les hommes avaient marché contre le projet de loi Nzouba sous la houlette de l'association des femmes juristes du Gabon ; projet qui tendait à réduire la femme mariée au silence face aux frasques de son époux, pour ne citer que celles-ci et il y en a eu bien d'autres.

En tant que femme, comprenez-vous l'indignation de vos congénères à l'annonce de tant de changements futurs dans le corpus juridique ?

Je refuse l'indignation de mes congénères qui montent au créneau parce qu'elles refusent de comprendre qu'elles sont des moteurs, et non des martyrs. J'en suis triste parce qu'elles ne veulent pas se débarrasser du voile de la culture négative qui fait d'elles des éternelles mineures assistées, sous perfusion, en train de pleurnicher à longueur de journée alors que dorment en chacune d'elles des talents à mettre à la disposition de leurs foyers et leur Nation.

Des hommes avancent que la dot sera désormais versée par chacun des conjoints au nom de l'égalité. Faut-il craindre des changements profonds dans les ménages à moins d'une interprétation à l'emporte-pièce des modifications à venir ?

Dans une salle de classe il y a un enseignant qui donne une même leçon à 15 élèves aux mêmes heures et dans les mêmes conditions. Pourquoi il y a certains élèves qui vont avoir 18 sur 20 et d'autres 02 sur 20 ? C'est le niveau de compréhension qui diffère entre ces élèves. Ce sera la même chose pour cette réforme. Ceux et celles qui profiteront de la réforme pour faire du désordre, eh bien, ce désordre va les rattraper. La dot est une réalité de chez nous. Quelle valeur donne-t-on à tout ce que les parents de la femme et la femme elle-même apportent dans le foyer ? Parfois c'est supérieur à ce que le mari a donné. Mais qui en parle ? Personne. Ça passe sous silence. Or, ce qui compte c'est ce que l'homme donne. Voyez vous-mêmes l'ampleur du diktat culturel négatif. Le projet n'a pas pour but de détruire la famille ou les foyers, mais le but c'est reconnaître ce que la femme est en réalité : le vis-à-vis de l'homme.

Que répondez-vous à une certaine opinion qui pense que ces innovations viennent bouleverser l'organisation interne des ménages ?

Pour moi, il n’y a aucun bouleversement de l'organisation des ménages, mais plutôt l'amélioration, la prise de conscience du rôle de chacun des époux.



Propos recueillis par Prissilia M. MOUITY,



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