Dans une interview qu'elle a accordée aux médias gabonais le 8 février dernier, la nouvelle ambassadrice des États-Unis au Gabon, Vernelle Trim FitzPatrick, s'exprime sur les différents axes de coopération avec le Gabon. La diplomate insiste sur l'importance du gouvernement américain de passer d'une transition vers la démocratie. Le point de l'entretien avec L'union.
L'union : Excellence, depuis le coup de force des militaires le 30 août 2023 condamné par de nombreux partenaires dont votre pays, quelle est actuellement la nature des rapports entre les États-Unis et le pouvoir en place au Gabon ?
Vernelle Trim FitzPatrick : Ma présence ici représente le fort intérêt du gouvernement des États-Unis à maintenir les relations bilatérales, solides et durables avec le Gabon et pour renforcer les liens avec le peuple gabonais. Je vous rappelle que nous sommes présents au Gabon depuis 1961, quatre jours après la déclaration de l'indépendance du pays par la France. Nous sommes un ancien partenaire du Gabon depuis longtemps et ce n'est pas quelque chose de nouveau. Ma nomination est une grande opportunité pour booster les relations avec le gouvernement de transition vers la transition démocratique et la prospérité économique. Nous souhaitons accompagner le gouvernement de transition et le peuple gabonais à créer un futur meilleur.
Votre pays a pris des sanctions fermes contre le Gabon depuis le 24 octobre 2023. A quel moment ou sous quelles conditions ces restrictions pourront-elles être levées pour un retour de l'aide américaine ?
Les restrictions sont le résultat des violations des droits de l’Homme ou des principes démocratiques dans n’importe quel pays. Dans ce cas, la branche exécutive n’a pas de nuance. Elle est aveugle et doit exécuter les sanctions. Donc c’est très important de dire que tout cela est la conséquence d’une application stricte de la législation de notre congrès. Toutefois, nous continuons à travailler dans le domaine économique. Par exemple, nous irons à New York pour faire participer les entrepreneurs gabonais aux franchises. Ils pourront ainsi tisser des liens avec les grands investisseurs et d'autres entrepreneurs afin de créer des entreprises ici au Gabon. Nous avons donc divers types de programmes pour continuer à promouvoir les liens commerciaux.
Vous arrivez au Gabon en plein processus de transition. Quel est votre regard sur ce qui se fait actuellement et comment les États-Unis vont-ils accompagner la restauration des institutions dans notre pays ?
Je suis très fière d'être ici dans cette période cruciale de l'histoire du Gabon. Mon premier objectif sera la transition vers la démocratie en soutenant les efforts menés par le gouvernement de transition. Le processus est en cours et il est très important pour nous de voir le déroulement du dialogue national en avril. C'est le premier pas et cela nous permettra d'apprécier comment le gouvernement de transition va travailler dans cette initiative. Actuellement nous avons une délégation de l'U.S. Agency for International Development (USAID) qui est là sur le terrain pour voir qu'est-ce que nous pouvons faire à cet égard. Nous sommes très fiers et engagés à faire quelque chose de tangible d'où la nécessité d'écouter les perspectives des gabonais parce que c'est votre pays, votre futur et nous sommes derrière vous, aux côtés du peuple gabonais.
Nous avons noté lors de la visite de la conseillère Linda Spetch chez le Premier ministre le 30 novembre 2023 la volonté de Washington de renforcer la coopération en matière de sécurité avec Libreville. Où en est ce dossier ?
La coopération sécuritaire figure au premier plan des Affaires étrangères des États-Unis et nous avons une longue histoire de coopération dans ce domaine entre les États-Unis et le Gabon. Le Gabon se situe dans une région stratégique qui est le golfe de Guinée et nous travaillons ensemble pour lutter contre la piraterie maritime par exemple, protéger les poissons dans les eaux gabonaises et dans la sous région. Nous faisons beaucoup de choses ensemble et je suis très fière du fait que le Gabon va organiser un exercice militaire qui est mené par les États-Unis avec la participation d'autres pays pour renforcer la coopération. Ce sera la deuxième fois que le Gabon va organiser cet exercice militaire multinational appelé Obangame Express. Cela est très important pour nous et c'est une marque de confiance et d'honneur envers le Gabon.
Les liens commerciaux entre le Gabon et les États-Unis sont faibles voire insignifiants. Que comptez-vous faire pendant votre mandat pour inverser la tendance ?
L'un des mes objectifs en tant qu’ambassadeur des États-Unis, c'est de promouvoir les liens commerciaux entre les deux pays. Il est vrai que la présence des entreprises américaines n'est pas si visible par rapport aux autres pays. Ma tâche sera de promouvoir le commerce entre les deux pays et elle sera plus facile si le gouvernement de transition prend des mesures tangibles pour améliorer le climat des affaires au Gabon et je pense que le gouvernement de transition partage cette vision pour booster l'économie. Il y a aussi le fait que les entreprises américaines n'ont pas beaucoup d'informations sur le Gabon, nous avons beaucoup d'entreprises américaines dans d'autres pays sur le continent mais comme le Gabon n'est pas très connu c'est difficile pour ces entreprises d'arriver ici. L'on déplore également le fait que les investissements américains au Gabon ne soient pas assez conséquents par rapport à ce qui se fait dans d'autres pays.
Pourquoi cette différence dans l'apport de l'USAID notamment ?
L'USAID est actuellement dans l e pays pour voir ce que nous pouvons faire pour augmenter notre investissement au Gabon et c'est une preuve tangible de notre intérêt. Notre financement dépend de plusieurs critères y compris les classements de pays concernant la richesse, la performance économique. Pour le moment le Gabon est classé comme un pays à revenus moyens. Nous investissons ici au Gabon avec l'USAID mais dans les secteurs spécifiques tels que l'environnement, la santé par exemple. Avec la présence de cette délégation nous allons voir si nous pouvons en faire un peu plus, spécifiquement concernant la promotion de la démocratie et aussi promouvoir le secteur privé ici au Gabon spécialement pour les habitants de ce pays, mais aussi pour les étrangers y compris les américains. Dans cette ambassade nous cherchons des opportunités pour renforcer les liens commerciaux entre nos pays. Il y a aussi les questions de formation, notamment sur comment faire pour attirer les grands investisseurs, et nous sommes là pour partager ces informations avec les gabonais qui veulent aller à New York cette année.
Propos recueillis par Josiane MBANG NGUEMA
Libreville/Gabon