Le nouveau gouvernement irakien est censé unir toutes les composantes du pays dans la lutte contre les jihadistes, mais la répartition confessionnelle des portefeuilles, qui ne change guère, augure mal de ses chances d'y parvenir, estiment des experts.
L'EXÉCUTIF irakien, confronté depuis trois mois à une offensive de l'Etat islamique (EI), a besoin du soutien de toutes les communautés pour reprendre les territoires conquis dans le nord, l'est et l'ouest du pays.
La communauté internationale et l'Onu avaient fait pression en ce sens sur les responsables irakiens pour mettre sur pied une équipe incarnant l'unité, après les critiques de la communauté sunnite s'estimant marginalisée par le Premier ministre chiite sortant, Nouri al-Maliki.
Mais la liste du nouveau cabinet de 26 membres approuvée lundi comporte près d'un tiers de ministres sortants, et la répartition des postes entre chiites, sunnites et Kurdes est sensiblement la même qu'auparavant.
Les poste-clés de l'Intérieur et de la Défense n'ont en outre pas été pourvus, le nouveau chef de gouvernement, le chiite Haïdar al-Abadi, réclamant une semaine pour les attribuer.
« En terme de répartition communautaire, si vous prenez strictement les chiffres, le nouveau gouvernement est en réalité moins rassembleur », affirme Fanar Haddad, chercheur à l'Institut pour le Moyen-Orient de l'université de Singapour.
Pour Kirk Sowell, éditeur de la lettre d'information Inside Iraqi Politics, le nouveau gouvernement « ne constitue pas un changement radical ».
Les deux spécialistes s'accordent toutefois pour minimiser l'enjeu de la composition du cabinet.
« Ce qui compte vraiment c'est la politique menée », insiste M. Sowell.
« Le gouvernement précédent était déjà soit-disant rassembleur, sans que cela ait eu un impact », explique le chercheur.
M. Haddad affirme que l'enjeu est « le pouvoir réellement attribué » aux nouveaux ministres. « Nous ne pourrons pas le déterminer avant un moment, jusqu'à ce le gouvernement commence réellement son travail ».
Parmi les candidats pressentis pour le poste de l'Intérieur ou de la Défense, l'ambitieux Hadi al-Ameri, commandant de la milice chiite Badr et ancien ministre des Transports, inquiète les analystes.
« S'il devient ministre de l'Intérieur, cela mettra fin à toute tentative de partage du pouvoir avec les sunnites sur les questions de sécurité », affirme M. Sowell.
Pour Fanar Haddad, « quels que soient les bénéfices liés à l'accord sur le nouveau gouvernement, nommer Hadi al-Ameri à la Défense ou à l'Intérieur porterait un coup énorme à tout espoir de réconcilier les foules sunnites » avec le pouvoir.
Ce dernier point est crucial car il sera difficile, voire impossible, pour les forces de sécurité de repousser les jihadistes sans le soutien de la population dans les régions à majorité sunnite contrôlées par l'EI.
Ce soutien dépend au moins partiellement des relations que les politiciens sunnites entretiennent avec le gouvernement, comme l'a montré l'expérience du précédent cabinet.
« Il n'y avait aucune coopération entre les citoyens et les forces de sécurité pour améliorer la situation », affirme Issam al-Faili, professeur d'histoire politique à l'université Moustansiriyah.
A Erbil, capitale du Kurdistan, la prudence dominait également dans les commentaires d'habitants interrogés par l'AFP.
« Le nouveau gouvernement est le même que celui de Maliki : il est contre les sunnites et contre les Kurdes », a dénoncé Jarjis. Mais Mohamed, un peshmarga, était moins pessimiste : « S'il prend en compte nos revendications, nous serons avec lui car nous faisons partie du peuple irakien. Mais s'il ne répond pas à nos demandes, nous nous retirerons ».
AFP
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