l’union : Monsieur le ministre, qu'en est-il de votre bilan au sein du ministère des Eaux et Forêts depuis votre nomination, particulièrement dans le secteur forestier ?
- Lee White : Avant de répondre à cette question, je voudrais aborder quelques éléments sur mon parcours et mon pays le Gabon. En effet, j’ai été nommé à la tête du ministère qu’on appelle communément "les Eaux et Forêts", après une carrière de plus de 30 ans dans la forêt gabonaise. Arrivé au Gabon en janvier 1989, j’étais successivement thésard, scientifique, directeur de Wildlife Conservation Society (WCS), chercheur associé de l’Institut de recherche en écologie tropicale (Iret), consultant sur le changement climatique au ministère de l’Environnement, puis secrétaire exécutif de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN). En janvier 2008, le défunt président Omar Bongo Ondimba m’a fait l’immense honneur de m’accorder la nationalité gabonaise.
Le ministère dont j’ai la charge dispose d’un énorme potentiel économique avec un secteur forestier en plein essor grâce, notamment, aux activités liées à la création d’une zone économique spéciale à régime privilégié à Nkok. Les perspectives de développement du secteur forêt-bois sont considérables et appellent à une jonction de toutes les forces de mon département, en vue de créer de la richesse et participer pleinement au développement économique de la Nation, pour le bien-être de tous nos compatriotes.
Il faut noter que j’ai hérité d’un ministère qui connaît quelques problèmes d’ordre structurel et fonctionnel au niveau central et déconcentré. Notamment, une image détériorée par l’affaire du "Kevazingogate" et le rapport "Commerce toxique" de l’ONG internationale Environmental investigation agency (EIA). Mais aussi un manque d’investissements chronique, qui fait qu’aujourd’hui les agents des Eaux et Forêts sont souvent dépourvus de moyens de transport et manquent d’équipements. Ma première action en ma qualité de ministre a été de refaire l’étanchéité du toit sur notre beau bâtiment. En effet, notre bâtiment administratif n’avait pas connu d’investissements depuis plusieurs années au point que, par exemple, il était inondé à chaque intempérie, et la majorité des ascenseurs étaient inopérants.
- Des actions fortes sous votre tutelle ?
- Dans un contexte économique et budgétaire très difficile, malgré l’impact de la pandémie de Covid-19, nous avons toutefois fait quelques progrès. Nous avons restauré la confiance des opérateurs économiques, aussi bien au Gabon qu’au niveau international. Ceci, afin de mettre un terme à l’exploitation illégale du bois gabonais, mais surtout s’assurer que ces activités n’impactent pas négativement la vie des populations locales. Tous les opérateurs économiques exerçant dans le secteur forêt-bois ont désormais l’obligation de certifier leurs exploitations forestières, notamment en adhérant au label FSC (Forest Stewarship Council) à l’horizon 2022, comme annoncé par le président de la République.
Nous avons mis en place une série d’initiatives visant à améliorer la transparence et la traçabilité dans la gestion de l’activité forestière. Vous avez pu noter que l’affaire de "Kévazingogate" n’est plus d’actualité à l’international. Et avec les services du ministère de la Justice, nous avons lancé le processus de valorisation des bois saisis au port d’Owendo, il y a 15 mois. Nous devons maintenant saisir, au profit de l‘État, toutes les billes de Kévazingo abandonnées en forêt et les vendre, afin de sécuriser des fonds dont une partie devra être reversée aux populations des villages où ces arbres ont été abattus, et l’autre réinvestie dans la bonne gestion de la forêt gabonaise.
- Qu'en est-il des financements obtenus par le Gabon de ses partenaires ?
- Nous avons signé en septembre 2019 un accord avec le gouvernement de Norvège, qui financera notre pays à hauteur de 90 milliards de francs, en contrepartie de la préservation de notre forêt et de la réduction de nos émissions de carbone. Cette dotation, qui fera l’objet d’un plan d’investissement, financera notamment différents projets de notre département ministériel mais également d’autres départements tel que le ministère de l’Agriculture. Cet accord résulte principalement des efforts et de l’engagement de notre ministère à assurer une gestion durable de nos forêts.
- Quelles sont les perspectives pour la zone économique ?
Plusieurs usines de transformation de bois se sont implantées à Nkok, en raison des conditions attractives qu’offre cette zone pour la transformation de notre bois. Cette dynamique va se poursuivre avec la création de zones économiques spéciales à Lambaréné et à Franceville, avec à la clef la création de près de 5 000 emplois sur les 12 prochains mois. Avec le concours de la Gabon special economic zone (GSEZ), nous avons renforcé le leadership de la Société nationale des bois du Gabon (SNBG), société qui fut à l’époque la fierté de l’industrie forestière gabonaise, mais qui était en faillite. Aujourd’hui l’usine moderne de la SNBG située à Owendo, et rebaptisée Gabon best natural source (GBNS), est en pleine activité. Par ailleurs, l’État va reprendre sa position majoritaire dans le capital de cette société emblématique et qui a vocation à jouer un rôle majeur dans la nouvelle stratégie forestière.
Nous finalisons actuellement une stratégie pour le développement du secteur forêt-bois, qui verra l’établissement de plantations forestières et la création de plus de 50 000 emplois sur 5 ans. C’est à travers cette stratégie que la forêt gabonaise va contribuer plus significativement à l’économie nationale. Ainsi, le bois, ressource renouvelable, pourrait dès 2030 se substituer au pétrole dans notre économie.
Styve Claudel ONDO MINKO
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