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Économie

Cap Lopez: " Pour l’heure, on ne peut pas parler de catastrophe écologique… "

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Même si la situation semble sous contrôle, l’expert en environnement Louis-Léandre Ebobola Tsibah appelle à la vigilance.

- L’Union : A l’échelle mondiale et africaine, à quoi peut-on comparer la catastrophe du terminal du Cap Lopez ?

- Louis-Léandre Ebobola Tsibah : Très peu d’informations nous parviennent en l’absence d’une communication efficiente digne d’une situation de crise. Nous sommes obligés de nous en tenir au communiqué officiel diffusé plus de 24h après l’incident. Ce qui est quand même assez surprenant. Toutefois, en termes de volume allégué, on serait proche de l’Erika. Sauf que les deux situations sont totalement différentes. Le navire avait coulé avec sa cargaison, provoquant une marée noire qui s’était soldée par une catastrophe écologique de grande envergure. Dans notre cas, l’incident a eu lieu sur le continent et non en mer. L’essentiel du fioul lourd est encore contenu dans les bassins de rétention aménagés pour prévenir les pertes de confinement. La comparaison ne peut aller au-delà pour le moment. Au niveau continental, le seul exemple qui me vient à l’esprit est celui du Delta du Niger. Mais là, il s’agit d’une pollution criminelle de très longue durée avec de fortes implications politiques. Toute chose qui a valu à l’opérateur pétrolier une condamnation après plus de trente année de procès.

 

- D'un point de vue sécuritaire, était-elle évitable ?

- Objectivement, seule une enquête pourrait nous édifier le moment venu. Sinon, l’industrie pétrolière est l’une des plus exigeante en matière de sécurité au monde. Toutefois, le risque zéro n’existant pas, bien que peu fréquents, les accidents y sont souvent spectaculaires et riches en émotions.

 

- En pareille circonstance, quel protocole d’urgence faut-il immédiatement appliquer ?

 

- Chaque opérateur pétrolier dispose d’un plan d’urgence global, auquel s’agrègent les plans d’urgence spécifiques de chacune de ses installations. Au niveau national, les Etats doivent avoir un outil de référence approprié. En France, on parlerait du plan Polmar. Chez nous, il s’agit du plan d’urgence national de lutte contre les déversements accidentels d’hydrocarbures et autres substances nuisibles. Celui-ci a été institué par le décret 653/PR/MTEPN du 24 mai 2003, relatif à la préparation et à la lutte contre les pollutions par les hydrocarbures et autres substances nuisibles (PUNG). Il a été éprouvé lors de l’exercice grandeur nature effectué en 2014, comme par hasard au large du terminal pétrolier du Cap Lopez. Au regard de la situation actuelle, le PUNG aurait dû déjà être déclenché, dès lors que nous avons dépassé de façon exponentielle le seuil critique des 5 000 m3 requis.

 

- Au vu de la situation, pensez-vous que toutes les dispositions ont été prises pour éviter une marée noire ? Le Gabon dispose t-il suffisamment de capacités logistiques pour faire face à ce type de catastrophe ?

- Logiquement, l’opérateur économique a fait ce qu’il fallait dans l’immédiat. Il a activé son plan d’urgence. Les trois objectifs fondamentaux sont bien connus, à savoir : la sauvegarde des vies humaines, la protection des biens et la préservation de l’environnement. Pour le moment, ces trois objectifs sont atteints mais la menace demeure. Les dispositions prises sont-elles suffisantes ? A terme, je n’en suis pas certain, au regard des quantités énoncées et de la faible mobilisation qui accompagne ce qui pourrait se transformer, par un simple concours de circonstance, en drame écologique aux conséquences financières inestimables. Si la situation venait à se dégrader, notre pays ayant ratifié les conventions internationales les plus pertinentes en la matière, notamment celle relative à la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par les hydrocarbures (OPRC 90), il conviendrait donc de faire jouer urgemment la coopération internationale. A cet effet, à travers l’initiative globale pour l’Afrique occidentale et centrale (GI-WACAF), conduite par l’industrie pétrolière internationale (IPIECA) et l’Organisation maritime internationale (OMI), deux institutions spécialisées pourraient être mobilisées en moins de 48h. Il s’agit notamment du britannique Oil Spill Response et du Cèdre en France. Par ailleurs, en cas de nécessité, les bases logistiques régionales d’intervention rapide les plus proches pourraient être sollicitées. Il s’agit notamment de la Guinée équatoriale et du Nigeria.

 

- Selon des organisations de la société civile, les dommages occasionnés par ce grave incident sont d’ores et déjà visibles et pourraient être dévastateurs pour l’environnement terrestre et aérien. Etes-vous de cet avis ?

 

- Ce genre d’incident génère toujours de multiples conséquences. Pour l’heure, on ne peut parler de catastrophe écologique même si en réalité elle nous pend au nez. Il faut impérativement l’éviter, quel qu’en soit le prix. Sinon, après il sera peut-être trop tard pour mieux faire. En ce qui concerne la qualité de l’air, c’est souvent très incommodant, mais ça reste passager parce que les vents marins devraient déjà avoir dissipé les fortes odeurs des premiers jours. Le combat de la société civile est noble. Cependant, à ce stade, l’heure n’est point à la désignation des coupables. L’urgence du moment serait de réduire plus que jamais les risques d’une catastrophe écologique aux conséquences économiques et financières redoutables pour notre pays.

 

Propos recueillis par Maxime Serge MIHINDOU

Libreville/Gabon

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