Aller au contenu principal
Enquête

Rupture d'antirétroviraux : des PVVIH du Gabon exposées à la mort ?

Image667

Depuis le début de l'année, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ne savent plus à quelle porte frapper. Les antirétroviraux (ARV), ces médicaments empêchant le virus de l'immunodéficience humaine de se multiplier dans le sang, sont quasi introuvables. Pourquoi ? Quand cette situation sera-t-elle résorbée ? Enquête.

 

Horty S. a récemment découvert sa séropositivité au VIH/Sida. Au Centre de traitement ambulatoire (CTA) de Libreville où elle s'est rendue pour débuter son traitement selon le protocole établi, on lui annonce qu'il n’y a pas d’antirétroviraux (ARV). " Ils m'ont dit de souvent passer les lundis et mercredis pour voir si c'est déjà arrivé. Comme solution de rechange et de soutien en attendant, ils m'ont prescrit du Bactrim pour tenir ", explique-t-elle, la mine renfrognée. Pis, " il y avait un monsieur mince et élancé qui en vendait à ceux qui avaient les moyens''. La jeune femme est embarrassée, ne sachant quoi faire. " Si l'annonce de la maladie ne m'a pas trop secouée, découvrir que je ne peux débuter le traitement a été un choc plus grand parce que j'ai très peur de ce qui pourait m'arriver".

 

Autre témoignage, celui de cette femme qui, d’ordinaire, reçoit son traitement pour une période de 3 mois. " Je suis au village et ne monte que pour récupérer mes médicaments. Mais le médecin m’a expliqué qu’elle ne peut me donner mon stock comme d’habitude. Je n'ai donc eu droit qu'à une boîte. Elle rationne pour que tout le monde ait de quoi tenir ", raconte-t-elle. C’est ensuite au cœur d'un groupe de parole des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) que L'Union a davantage appris sur ladite pénurie. Nathalie Bikene Bidzang, présidente de l'Association nationale des droits des PVVIH et les siens sont en pleine discussion ce mercredi. Ils évoquent justement la rupture des ARV.

 

Nathalie par exemple est en 2e ligne du traitement. " Ce sont les personnes qui ont grillé leur mise sous traitement en l'interrompant. Le virus devient alors résistant et il faut au malade une autre molécule qui se situe en 2e ligne ", explique-t-elle. Elle est en rupture de ses ARV depuis le 25 décembre 2021, date de son dernier rendez-vous avec son médecin. Maman Justine, en 2e ligne, est là aussi. Elle monte en ville tous les 3 mois pour récupérer ses ARV. Depuis décembre elle n’a pas de médicaments non plus. " Pour tenir, je bois beaucoup d’eau et j'évite de penser au mal de l'absence de médicaments dans mon corps pour garder le moral". Alain Oyono, le président du réseau gabonais des associations des personnes vivant avec le VIH, prend aussi part à la rencontre. Lui est suivi à l’hôpital militaire. Il n'est donc pas en rupture comme ses collègues parce que son administration fait une commande de médicaments qui n’obéit pas à celle du public civil. Mais il se doit d'être là pour soutenir les adhérents de son association qui l'appellent chaque jour, désespérés. Tout le monde autour de la table de ce groupe de parole est donc en panne d'ARV, mis à part le militaire.

 

S'ils affichent tous des visages sereins, il y a qu'ils vivent la peur au ventre. Tant les ARV, une fois commencés, se prennent à vie. " Ne pas prendre d'ARV réveille le VIH avec plus de violence encore. Une fois que le virus ne dort plus, nous sommes exposés à des maladies opportunistes et à toutes sortes de pathologies…" Le pire, expliquent les malades, c'est qu'ils ne peuvent plus se dépanner entre eux. À ceci, il faut ajouter que cette rupture entraîne pour toutes les PVVIH qu'il faudra passer par la case charge virale et génotypage, des examens très coûteux, pour déterminer le nombre de CD4 dans l'organisme et les molécules auxquelles la maladie est désormais sensible. En attendant… "bah rien, on prie et on compte sur la clémence divine !" D'autant que côté gouvernement on demande juste de patienter sans date précise d'un retour à la normale.

 

Line R. ALOMO

Libreville/Gabon

random pub

Liberté
Logo